LE MAJOR AUDET

(article paru dans Rail Québec n° 105).

Bonjour Louis-François Garceau du Groupe TRAQ!

Voici ma question : Je recherche des informations concernant la gare de Lévis après la deuxième Grande Guerre, soit en 1945… Un nommé Audet a été nommé agent de la gare, il était handicapé et avait perdu les deux mains lors du conflit en Europe. Je recherche sur le web sans résultat. Aurais-tu quelque chose à ce sujet?

Je recherchais des informations surtout en ce qui concerne le major Raoul Audet. J’ai connu les deux frères Audet lors de mon stage à Lévis, c’est-à-dire lors de mon travail d’été durant mes vacances scolaires en 1945 et 46.

J’ai un contact qui demande des renseignements concernant leurs activités comme participants, avec mon oncle Georges, à la fondation de l’école de télégraphie secrète à Whitby en Ontario. Ce n’est pas facile, car le gouvernement fédéral, après 1945, a détruit toutes les bâtisses et tous les dossiers pertinents. Tous les participants, dont moi, avaient signé une entente du confidentialité pour une période de 40 ans.

J’ai obtenu un peu d’informations en écoutant leurs conversations au bar de l’hôtel et oncle Georges me donnait des renseignements au compte-gouttes. J’aurais dû être plus curieux et prendre des notes, mais à 17 ans tu ne penses pas aussi loin. Jean-Guy Hamel, membre TRAQ.

Louis-François Garceau, président du Groupe TRAQ répond : « J’ai par la suite communiqué avec M. David Gagné, conseiller en patrimoine, Direction de l’urbanisme, Service des comités d’urbanisme et du milieu bâti de la Ville de Lévis, qui m’a donné l’adresse courriel de M. Jean-Luc Lemieux qui nous a envoyé la réponse suivante :

« Bonjour, lorsque j’étais jeune, j’ai eu l’occasion, en compagnie de mon père, de croiser le capitaine Audet. Voici ce que je peux écrire sur ce dernier. Je dois admettre que je remonte très loin dans mes souvenirs et que des imprécisions peuvent se glisser dans mes écrits ».

« Pendant un temps donné, le capitaine Audet travaillait dans la freight shed qui était à une cinquantaine de mètres, à l’ouest du quai de la Traverse Québec-Lévis. Il faut rappeler qu'à l’époque, après la Seconde Guerre mondiale, on dénombrait, si mes souvenirs sont exacts, cinq voies ferrées au nord de la gare de Lévis ».

« Les deux premières, en bordure du quai de la gare, étaient généralement réservées pour les trains de passagers du Canadian National qui arrivaient de Montréal ou des Maritimes, en particulier d’Halifax, ou encore, des trains de passage. Parfois, on dénombrait deux trains qui s’arrêtaient en même temps en gare pour déposer ou embarquer des passagers : l’un en direction est, l’autre en direction ouest ».

« S’ajoutait un train local du Canadian National qui reliait Lévis à Charny, (ce dernier renseignement demeure un peu flou dans mon esprit, car ce train local se rendait peut-être à Saint-Étienne-de-Lauzon en direction ouest et peut être à la gare de Lauzon (Saint-Joseph) située au sud des Chantiers maritimes Davie) ».

« À la fin de la Seconde Guerre mondiale, lors du rapatriement des soldats, de nombreux trains entraient en gare à toute heure du jour ou de la nuit. Il y avait également le Quebec Central qui laissait des passagers à la gare et, par la suite, la locomotive se rendait à l’ouest du chantier Russel où l'on trouvait une round house ».

« Les trois autres voies étaient réservées pour les wagons de marchandise. De plus, entre la quatrième et la cinquième voie, l’on retrouvait un très long hangar avec des quais de débarquement; je me demande s’il n'y avait pas également un autre petit bout de voie ferrée en bordure du quai, au nord de la cinquième voie, qui pouvait accueillir un nombre restreint de wagons de marchandises ».

« Plusieurs employés œuvraient dans cette construction pour charger ou décharger les wagons. Le capitaine Audet se tenait dans un petit bureau dans la partie est de ce vaste hangar qui était de couleur rouge brique. À ce que je sache et selon les paroles de mon père, il avait perdu ses deux mains lors d’une bataille sur le front européen. "Une grenade tombe dans la tranchée où il se trouve avec des hommes de son régiment. N’écoutant que son courage, il saisit la grenade dans l’espoir de la relancer, mais cette dernière explose lui arrachant les deux mains et une partie des avant-bras" ».

« Lors de maintes visites dans l’immense hangar, je l’ai vu taper à la machine avec les crochets de ses deux prothèses. Les touches de la machine ne laissaient plus paraître les lettres de l’alphabet tellement elles étaient usées. Deux des crochets pouvaient se rejoindre lui permettant de saisir des objets de la vie courante. Un troisième était en retrait. Y en avaient-ils d’autres, je ne sais pas ».

Il glissait dans la dactylo des documents regroupant deux ou trois feuilles avec des papiers de type carbone entre chacune d’elles. J’étais toujours fasciné par la cadence à laquelle il pouvait taper et travailler. Je me rappelle que l’une des feuilles qui composaient chaque document était d'un rouge rosé ».

« Je ne sais pas quel métier il exerçait avant la guerre et lors de son entrée dans les Forces canadiennes. Par contre, pendant un certain temps, il demeurait soit dans la rue Valère-Plante ou soit dans la rue Leblanc, une petite rue parallèle à la rue Valère-Plante à Lévis ».

« Dans votre texte, vous écrivez qu’il a occupé le poste de chef de gare à Lévis. Je ne suis pas en mesure d’écrire sur ce sujet. Par contre, je l’ai vu œuvrer à l’intérieur de la gare elle-même ».

« Je demeure à votre disposition pour de plus amples renseignements sur le sujet. Recevez, Monsieur, mes salutations distinguées! ».

 

Jean-Luc Lemieux de Lévis

 

« P.S. Sans doute que plusieurs renseignements sont superflus par rapport aux objectifs recherchés, mais j’ai cru bon de les inclure dans le document. »

 

 

La suite…, par Louis-François Garceau

Par la suite, j’ai reçu de M. Hamel un texte en anglais provenant du Net. J’ai immédiatement demandé à M. Harry Gow de me le traduire pour le besoin de cet article; le voici…

« Le Canadian National fait une nomination populaire à Lévis.

Le major Raoul Audet, officier sans mains, devient chef de gare. La nomination au poste de chef de gare (station agent) à Lévis (Québec) du major Raoul Audet couronne le parcours personnel de celui-ci, une histoire d’adaptation et de bonne humeur.

« Le major Audet avait perdu l’usage de ses mains et, d’ordinaire, ce serait indélicat de parler du handicap d’un militaire, mais dans son cas, le major Audet est heureux de le faire connaître afin d’encourager d'autres à continuer face à l’adversité. Le major est appareillé de façon remarquable, ce qui lui permet de compenser l’absence de ses mains en manipulant une clé de télégraphe avec dextérité, utiliser une machine à écrire et exécuter de multiples autres tâches ».

« La nomination du major Audet fut recommandée par le comité de réinsertion du chemin de fer, comité organisé pour évaluer et faire rapport sur les capacités d’anciens employés souhaitant réintégrer la compagnie après leur service militaire. Avant le début de la guerre, le major Audet avait travaillé pour le réseau des Chemins de Fer Nationaux à partir de mars 1919, en tant qu’opérateur et agent de remplacement sur la ligne vers le lac Saint-Jean, à La Malbaie, à Edmundston et à Saint-Eustache ».

« Il s'est enrôlé au Régiment de la Chaudière et après une mutation outre-mer, il est revenu pour prendre le commandement du camp Valcartier. En 1943 il est reparti outre-mer où une explosion prématurée d’une grenade lui a infligé la perte des deux mains. Dès que son état de santé le lui a permis, le major a entrepris des cours de formation académique et technique ».

« Plus tard, il a été appareillé et a maîtrisé l’utilisation de ses prothèses manuelles. Monsieur J.-A. Trudel, surintendant chez Canadien National, a annoncé la nomination immédiate du Major Audet. »

 

M. Lemieux

C'est mon erreur, je recherchais des renseignements sur le Major Audet frère du capitaine. J'ai connu les 2 à Lévis en 1945-46, lors de mes vacances scolaires, le major avait perdu l'usage de ses 2 mains lors d'opération militaire. Le CN le nomma agent à Lévis après les hostilités et son frère le capitaine fut nommé freight agent pour la division de Lévis. J'ai travaillé commis de nuit à l'hôtel Kennebec 2 mois en 1945 et 2 mois en 1946, au bar j'ai entendu plusieurs conversations. J'avais un oncle qui était copropriétaire de l'hôtel, c’était facile d'avoir un travail d’été, j'ai bien aimé l'expérience.

Merci pour votre aide.

J Guy Hamel

Nom auteur: 
Jean-Guy Hamel, Jean-Luc Lemieux, Louis-François Garceau
Lieu: 
Lévis